mardi 22 novembre 2011

TERRES NEUVES / Interview ASMD

TERRE NEUVES

"Un projet de livre-objet initié par le photographe Jérôme Sevrette. Sur la base d’une série de 25 polaroids couleur, une trentaine d’artistes & écrivains ont été conviés à donner leur vision musicale et littéraire de l’ensemble. Il en résultera une collection de musiques et de textes originaux présentés sous la forme et au format d'un vinyle 33 tours s'ouvrant sur 3 volets.

Un objet hybride et "global" à la fois portfolio, livre et disque.
"



 Lorsqu'on a lu cette description, nous avons soudainement eu l'envie d'en savoir plus, de découvrir ces clichés et les artistes associés. En parcourant la liste des musiciens (dans laquelle on retrouve notamment Les Marquises, Richard Pinhas, Olivier Mellano, ou That Summer), nous avons trouvé un nom familier, croisé récemment du côté de Sceaux d'Anjou (chez BôSoleil): A Singer Must Die (ASMD), groupe de rock angevin. Pour TERRES NEUVES, ils ont donc composé un morceau intitulé "The Armless Sailor".

Interview fleuve et présentation du projet TERRES NEUVES, avec Manuel Ferrer, au chant dans ASMD.

Peux tu commencer par nous présenter ASMD ?
 
L’histoire du groupe a été avant tout une histoire de rencontres successives depuis 2007 et la sortie du premier album, et d’envies d’expérimenter différentes formules plutôt minimales. Aujourd’hui, c’est une formation qui s’est restructurée et consolidée en deux étapes en 2011, et après plusieurs essais, on est arrivés à la formule actuelle à cinq. C’est vraiment une éclaircie après des phases, parfois, de découragements. Sans quelques soutiens isolés et la rencontre déterminante avec Romy Marx (guitare) et Régis Martel (batterie), je n’aurais pas tenu. Manuel Bichon (guitare) et Olivier Bucquet (basse) nous ont ensuite rejoint et ont contribué à apporter un second souffle. C’est avec cette équipe totalement nouvelle qu’on a déblayé le terrain de fond en comble et réarrangé un répertoire que j’avais initié avec Tomasz Jankowski. Cette formation donne un élan plus que satisfaisant dans la mesure où chacun s’est mis en mouvement de manière stupéfiante, bien au-delà de ce que j’aurais pu imaginer. Je me sens en pleine confiance, bien entouré, et on a tous très hâte de monter sur scène. Le groupe a déjà trouvé des espaces de nouvelles compos, et je suis vraiment heureux que ce soit cette formation qui porte aujourd’hui l’aventure du groupe.

 Comment vous êtes vous retrouvés associés à ce projet ? Connaissiez-vous le travail de Jérôme Sevrette ?

Oui, j’ai découvert le travail de Jérôme Sevrette il y a un peu plus d’un an, notamment par le biais de ses réalisations de pochettes d’albums pour des groupes comme And Also The Trees (ndr: par ailleurs associés à TERRES NEUVES)



En fouillant dans son parcours photographique, j’ai craqué. J’étais sidéré par son univers qui me renvoyait aux partis pris esthétiques très forts et soignés de labels comme 4AD, le romantisme noir de certains groupes, ou les ambiances oppressantes qui peuvent faire penser à des séquences qu’aurait imaginées David Lynch...
Ce que je trouve admirable, c’est sa capacité à « marquer » chaque photographie d’une touche surréaliste qui rend son travail aussitôt reconnaissable. A l’époque, j’avais fini d’écrire une série de chansons autour du thème de Las Vegas, et je l’avais contacté pour savoir s’il était intéressé pour qu’on réfléchisse ensemble au côté visuel d’un enregistrement. Il connaissait notre musique, et pensait justement à nous solliciter pour être l’un des participants à ce projet ! 
Il avait déjà à ce moment-là une idée très précise de la conception de Terres Neuves et de la manière dont il voulait associer musiciens et écrivains autour de ses photos. J’ai été d’emblée très emballé par l’originalité de ce qu’il avait en tête. On est à 1000 lieues des collaborations à la hâte et Jérôme a tenu pendant tout ce processus à suivre les avancées du groupe, à venir nous voir jouer sur scène. Et il fait la même chose avec les autres musiciens participants. A vrai dire, je me demande comment il fait... Je trouve que Terres Neuves fait magnifiquement figure d’indépendance dans une époque devenue frileuse, et quand même peu habituée aux démarches hors-normes. Ca prend a fortiori une force incroyable dans un contexte aussi prudent et formaté. Ce qui a été fantastique, c’est qu’au fil des mois, j’ai vu le projet s’étoffer par l’arrivée de nouveaux invités, et qu’il a séduit des artistes dont je suis très fan. Je pense à Pascale Le Berre par exemple, qui a fait partie d’un des groupes qui m’ont donné envie de faire de la musique lorsque j’étais adolescent. 



Comment avez-vous abordé l'exercice ?

J’aurais pu réadapter une chanson déjà bien intégrée au répertoire, certains textes collaient très bien aux ambiances des photos...mais j’aurais eu l’impression d’être un peu paresseux. Je voulais vraiment privilégier et soigner la particularité de la rencontre. Un morceau encore à l’état de squelette s’est imposé sur le tard, un titre tout récent composé avec Romy Marx (guitare), qu’on avait joué deux ou trois fois sur scène en guitare acoustique/voix. J’ai totalement réécris le texte pour me plonger à l’intérieur de ces photos. Je me suis baladé en Normandie l’été dernier et j’y ai découvert une expo de peintures impressionnistes sur le thème des tempêtes de mer, des naufrages. Je trouvais qu’il y avait par endroits une belle correspondance avec les scènes maritimes de certaines photos de Terres Neuves, le travail extraordinaire de Jérôme sur la lumière...
Dans la forme que prendrait la chanson, j’avais déjà l’idée d’exploiter un truc qui sonne un peu music- hall dans le rythme, surtout pas dans une lignée de rock sombre qui aurait enfoncé le clou. Les paroles de The Armless Sailor décrivent une traversée en mer, c’est à la fois les angoisses et les instants de foi d’un navigateur qui laisse tout derrière lui, sans certitude de retour. Les quelques personnes qui ont pu entendre le titre le trouvent soit plutôt léger, soit très mélancolique. Et c’est exactement ce côté un peu déroutant, ces sentiments contrastés que je voulais faire passer, laisser ce flou aux gens qui l’écouteront.
Le cœur du morceau est influencé par la pop, mais c’est vrai qu’on a cherché à être plus « expressifs» dans la construction du titre pour accompagner l’ambiance des photographies, et c’est là où ce travail devient plus inhabituel. Il y avait une envie de faire quelque chose de plus évocateur que sur le reste de notre répertoire : j’ai alors proposé à Manuel Bichon (guitare) d’écrire des arrangements de cordes sur une entrée de morceau presque « détachable » et autonome, rythmée par violon, alto et violoncelles, et d’imaginer une fin de chanson brumeuse.
N’ayant toujours pas de bassiste définitif au moment de l’enregistrement, c’est Jamie Galienne qui nous a prêté main-forte et royalement accompagné sur ce coup-là. C’est finalement un titre qui a fait intervenir pas mal d’instrumentistes, et je me demande aujourd’hui comment on a pu réussir à réunir tout ce monde. L’histoire de cette chanson, ça a vraiment été une épopée, riche en rencontres.
Olivier Fournier (ingénieur du son au Studioscope) a effectué ensuite un énorme boulot de son, il s’est montré très attentif aux intentions qu’on souhait donner au morceau, il a vraiment aidé à clarifier toute cette matière pour faire sonner l’ensemble. L’enregistrement s’est passé à merveille, à tel point que je me suis dis que je passerais bien ma vie en studio...

Est ce que ça a changé vos habitudes de compositions ?

Aucune habitude n’a pu être prise car pour tout le monde, il s’agissait aussi de terres neuves, c’est le cas de le dire ! Imagine que le groupe n’était plus qu’un trio à la recherche de nouveaux musiciens depuis l’été suite au départ de Guillaume Dubois (basse), et que quasiment dès les premières répétitions avec les nouveaux membres, on les met dans le grand bain avec comme premier pain sur la planche, l’enregistrement d’un titre qui n’est encore qu’à l’état d’embryon, et pour couronner le tout, l’urgence à maîtriser avec une date de studio qui approche...On a vu moins brutal comme intégration (rires) ! Mais c’est en même temps cette échéance qui a accéléré la bonne volonté et le positionnement de chacun, la mise en marche d’un groupe. En fait, ce projet s’est trouvé pile à un endroit où le groupe a fait sa mutation et s’est régénéré.

Aviez-vous déjà eu l'occasion de bosser sur un projet de ce type, qui allie l'image à la musique (ciné - concert, etc) ? 

Non, mais je crois surtout que ce type d’aventure est inédite, c’est ce qui rend très excitant et original ce genre d’expérience. Avant la sortie officielle de l’objet, un appel à souscriptions va être proposé sur le site web du photographe. Finalement, la sortie de Terres Neuves ne sera que l’enclenchement des choses, puisque la démarche de Jérôme est de faire vivre ensuite le projet sur scène. Des lieux sont déjà partie prenante pour accueillir ce type de soirées qui mêlerait une partie exposition photos, des lectures sur scène, et bien sûr, les musiciens associés qui joueraient leur titre live. Je suis confiant sur le fait que d’autres salles de concerts ou des centres culturels audacieux vont emboîter le pas pour donner une suite à un projet aussi fou. On serait vraiment très fiers de pouvoir jouer dans ce cadre, rencontrer les autres artistes qui y ont été associés, et c’est d’ailleurs le sens initial de ce projet.

Plus d'infos sur...

TERRES NEUVES (visionner les 25 planches sur Flickr)

TERRES NEUVES sortira début 2012 (25 photographies 30x30, 2 CD, 1 Livret).  
Labels partenaires du projet : Swarm Records / Infrastition / Acid Cobra Records

ASMD sera en concert le 24 novembre prochain au T'es Rock Coco à Angers (entrée libre, dès 20h30)



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